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Parce que la population est perdue et que l’alcool fait des ravages, le mot de génocide culturel est à peine prononcé, mais les Khantys sont assez gentils pour parler de temps difficiles et d’une jeunesse désoeuvrée. C’est pour eux que les campements culturels « Numsang yoh » « Peuple pensant » ont été ouvert en 2000. En 7 ans, ils ont accueilli plus de 3.000 enfants. Ils ont entre 8 et 18 ans et viennent de toute la région. Pendant une semaine, ils vont vivre en pleine forêt comme leurs ancêtres. Ils doivent suivre les règles de la vie khanty, parler la langue, respecter les esprits et vivre sous tipi. La journée débute toujours par un feu de joie, dit « légendaire », et se termine par des contes et des chants. Entre-temps, ils pêchent, chassent et découvrent un pan de leur culture. Grâce aux anciens, des saynètes des jeux de l’Ours (une sorte de bible culturelle pour les Khantys) ont été réintroduits sous forme de théâtre d’improvisation, les jeunes peuvent alors aussi exprimer tout leur mal-être. C’est une tradition chez les peuples finno-ougriens et, aujourd’hui, c’est l’objectif principal de ces sessions. Cette thérapie offre à chacun.e une chance de trouver sa place en tant que Khanty dans la Russie d’aujourd’hui.
Svetlana est née à Pomoute, en amont sur la rivière Kazym, dans la forêt. Après avoir migré en ville, ses parents ont continué à lui transmettre en secret cet amour de la culture. Aujourd’hui, elle travaille à la bibliothèque de Kazym et prépare une méthode d’apprentissage de la langue à partir des contes. Les contes sont des leçons de vie, des enseignements philosophiques. En se comparant aux héros des contes, les enfants tirent leurs propres conclusions. C’est pourquoi Svetlana vient au campement chaque année avec ses filles. Ce jour-là, sous le tipi qu‘on appelle un tchoum, il règne une chaleur pénétrante et une profonde paix. Ouliana la babouchka (grand-mère) attend les enfants qui s’installent en silence à même le sol. Cette grand-mère est conteuse, mais aussi chanteuse et couturière au campement. Habituée à transmettre, elle s’enrichit aussi des créations théâtrales ou cinématographiques des enfants qui racontent à leur tour des histoires de Khantys : celle des adolescents d’aujourd’hui. Ces campements sont avant tout un temps de partage et d’échange.
Tant que l’herbe poussera sur la steppe, tant que les oiseaux feront leur nid au sommet des bouleaux, les Khantis résisteront. Mais si la langue reste un marqueur identitaire, ces campements culturels sont aussi l’une des rares voies pour la sauvegarde de ces peuples encore opprimés et bafoués.
Le chagrin de l’Ours, préface d’Érémei Aïpine et avant-propos d’Anne-Victoire CHARRIN, Paris, O.D. Éditions, 2010
L'Etoile de l'Aube, préface d’Eméreï Aïpine, Editions du Rocher, 2005
Missives. Littératures des peuples autochtones de Sibérie, A.-V. Charrin (dir.) avec la collaboration de Dominique SAMSON, Paris, 2001
La mère de dieu dans les neiges de sang, Érémei Aïpine, Editions Paulsen, 2010
Father, son and holy Torum, film de Mark Soosaar, Weiko Saawa film, 1997, 1 h 28 min (DVD 5 de la collection Filmer le monde : les prix du Festival Jean Rouch, Éd. Montparnasse, Paris, 2012)
Une quête de la vérité sur la route des larmes
C'est à l’hôtel Bonaventure de Montréal qu'ont eu lieu les premières auditions de la commission d’enquête. Fanny Wylde retrouve Cheryl, de la communauté Mohawk, sidérée par le désintérêt de la police pour la recherche de sa sœur après le signalement de sa disparition. Carleen, mère de trois enfants, sera retrouvée par hasard par un chasseur, sept semaines plus tard, à deux kilomètres de chez elle. Morte. Elle s'est suicidée. Cheryl s’interroge encore sur une forme de racisme, l’apathie politique et l’indifférence des médias qui font passer ces crimes pour de simple faits divers. Pour Cheryl et pour toutes les autres familles de victimes, la commission d’enquête offre une lueur d’espoir et de justice.
Olga Kravchenko est une belle femme de 60 ans. Guérisseuse à ses heures, elle dégage une douceur infinie. Nul besoin de parler pour comprendre qu’Olga croit encore à une dizaine de dieux, aux esprits et aux Ours. Elle croit que la femme possède quatre âmes qui vivent dans la forêt. Elle croit que le feu est une déesse et le symbole de la vie que l’on doit chérir en offrant un tissu, ou un foulard rouge. Et, selon la légende, si l’on ne s’adresse pas à elle convenablement, le feu s’éteint et la vie à son tour. Ce matin, après les offrandes, le feu a pris du côté est du foyer et c’est un bon présage. C’est un rituel qu’elle pratique régulièrement au Musée de Kazym devant les enfants, pour demander à la déesse du feu un bel avenir pour les Khantys. Cet avenir s’est dessiné au début des années 90 car même après 60 années de communisme, de collectivisme forcé et de propagande, les Russes n’ont pas réussi à effacer tous les rites et les croyances ancestrales. Alors lorsqu’elle ouvre une école anthropologique à Kazym, elle décide de rencontrer les dernières grands-mères avec les enfants. Ce sont elles qui vont transmettre leurs savoirs. Et même si l’école ferme, non conforme selon les autorités, elle imagine avec Marina ces campements culturels. Olga est aujourd’hui l’une des gardiennes des traditions khantys.
Comme beaucoup d’enfants nés dans les années 70 à Kazym, Marina n’a pas reçu une éducation traditionnelle khanty. Parler la langue était interdit, tout comme la pratique du chamanisme et des rituels. Même la Fête de l’ours avait été remplacée par le culte de nouvelles idoles (Lénine et Staline), l’esprit du Parti communiste s’est imposé partout, cherchant à évincer les âmes des ancêtres qui peuplent la taïga et la toundra. Privée de sa culture, Marina devient russophone. Après ses études, elle est nommée institutrice dans un internat et découvre que ces enfants khantys, coupés de leur famille, finissent par perdre leurs traditions. Elle s'intéresse alors à sa culture et interroge ses tantes. Tatiana est devenue anthropologue, Olga a le projet d’ouvrir une école khanty. C’est pour Marina une révélation. Elle comprend ce sentiment qu’elle éprouve depuis si longtemps d’avoir été privée d’une partie d’elle-même. Depuis, elle consacre sa vie à préserver sa culture, au delà du folklore et dirige, depuis 2010, le musée de Kazym dans lequel des ateliers de transmission des savoirs sont proposés, des chants et danses enseignés et les rituels traditionnels réinventés. Elle dirige aussi des campements culturels d’été dans lesquels les enfants découvrent leurs racines, en somme leur identité khanty.
En 1892, ils étaient 300.000 à vivre sous la tente de cueillette, d’élevage de rennes, de chasse et de pêche en Sibérie occidentale. Un siècle plus tard, ils ne sont plus que 3.500 Khantis à perpétuer la tradition. De ce peuple semi-nomade, Staline disait qu’ils étaient un peuple d'arriérés. Les autorités ont tenté de les sédentariser en les fixant dans des HLM, parfois construits en forêt, puis ont organisé des sovkhozes de production de fourrure. Les enfants, eux, ont été envoyés dans des internats. Ils retrouvaient leur famille et leur milieu naturel uniquement pour les vacances d’été. Une politique d’assimilation avouée sur cette terre quasi-déserte qui a le malheur de cacher des trésors : des gisements considérables de gaz et de pétrole. Dès les années 70, ils sont exploités et la nature devient morte, défigurée, polluée. Les premières victimes : les poissons et les rennes puis les éleveurs de rennes qui migrent et s’entassent dans les villages. Leur mode de vie traditionnel est perdu à jamais. Paradoxalement, les seuls emplois disponibles sont souvent dans les compagnies pétrolières. Puis vient le temps de la chute de l’URSS. En 1999, ils sont libres de vivre où ils veulent, de commercer ou non avec les Russes. Une loi reconnaît même l’existence de ces peuples de Sibérie, mais les Russes colonisateurs endurcis administrent encore la quasi-totalité du territoire, même si, officiellement, une relative autonomie leur est accordée. Leur départ massif est une véritable catastrophe. Ils laissent en déshérence des secteurs entiers d’activité et de services comme l’éducation ou la santé. Les Khantys ont beaucoup de mal à s’adapter aux nouvelles conditions économiques. Ils sont complètement désorientés et ont le sentiment de vivre beaucoup moins bien qu’auparavant. Certes, ils sont autorisés à renouer avec leur passé si longtemps occulté, mais ils sont forcés de s’ouvrir au monde moderne. Leur culture est en voie de disparition, et rares sont ceux qui ont conservé leur identité.
Mais, à Kazym, cette petite bourgade perdue dans la Taïga de 1.000 habitants, un écomusée va tenter de sauver cette culture de l’oubli. Une école anthropologique puis des campements culturels sont proposés l’été aux enfants. C’est toute une culture khanty du 21°siècle qui, peu à peu, prend corps dans le but avoué de retrouver ses racines en s'insérant dans une société moderne. C’est le temps de la reconquête orchestrée par les femmes qui ont toujours été au coeur de la transmission culturelle.
VOIR LE PORTRAIT DE MARINA
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UN REMÈDE AU DÉSESPOIR
UN REMÈDE AU DÉSESPOIR
LA GARDIENNE DES TRADITIONS
LA GARDIENNE DES TRADITIONS
L'ESPOIR DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION
L'ESPOIR DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION
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MARINA
KABAKOVA
RUSSIE :
dont les Mansis de Sibérie occidentale
reconnus en 2000
peuples autochtones minoritaires du Nord
MOINS DE
CONTRE
LES KHANTYS REPRÉSENTENT ENVIRON
du district de Khanty-Mansiysk, soit
- Kazym : base culturelle khanty de
- Ils ne sont plus que
- Taux de suicide : trois fois le taux moyen de Russie
- Taux de tuberculose : quatre fois supérieur à la moyenne
- Espérance de vie de onze ans inférieure à la moyenne
Khantys
DE LA POPULATION
sur le territoire Russe
DES PEUPLES DE SIBÉRIE
D'ENTRE EUX IL Y A 30 ANS
ONT UNE VIE NOMADE OU SEMI-NOMADE
nomades dans le district autonome
de Khanty-Mansiysk
nomades
HABITANTS DANS LE DISTRICT
habitants
dont
à maîtriser la langue de leurs ancêtres
,
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MARINA KABAKOVA
NOUVELLE GÉNÉRATION : L'ESPOIR
CRÉDITS
LA GARDIENNE DES TRADITIONS
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